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ClairObscure
4 août 2007

Lettre première

Cher vous,

Voilà que vous partez, l'été vient enfin. Je veux bien croire aux coïncidences. D'autres brûlures seront les ersatz des vôtres sur ma peau. Pour mes vacances, je voudrais bien cesser de penser aux êtres irréels, et m'ancrer. Vous, vous êtes incroyablement réel, à m'en crever les yeux, comme d'autres crèvent l'écran. C'est bien. Je veux dire, de savoir que la vie réserve aussi de l'inespéré.

J'ai beaucoup de remords aussi, contre lesquels je ne peux rien. Hier encore en sortant des toilettes, c'est idiot, j'ai pensé à cette personne égoïste que j'ai été pour les tout proches. Les personnes qui ont été blessées sont comme les enfants gâtés, il y a peu de différence, elles revendiquent que la vie leur doive tout. Je laisse des épaves de ma vie traîner dans le bouillon de mes sillons. J'ai écouté la vie de Tsvetaeva sur France Culture, elle m'a terrifiée, elle m'a touchée, le lien vous ne le voyez pas entre ce que je viens d'écrire et l'écoute attentive que j'ai eu de sa biographie, pourtant le lien existe, peut-être est-ce la conscience de la tragédie.

J'ai rêvé de quelqu'un, une voix peut-être, elle me demandait, qu'est-ce que ça fait, un été sans la dépression. Oui c'est vrai, c'est mon premier été que je vis au-delà de tout espoir, que je vis seule sans une béquille mélancolique. Je suis avec moi même sans intermédiaire, aucune bile noire. Je suis heureuse de comprendre que je peux désormais ressentir du chagrin simplement, et plus du tout du désespoir. De la joie, et plus du tout de l'hystérie. De la simplicité, sans écouter mes pensées plonger dans des constats fracassants et terrifiants. Cet été sera donc (extra)ordinaire de l'intérieur. 

Vous savoir dans le monde suffit à cet instant. J'aime bien l'absence aussi quand elle promet un retour. (Un jour les lettres de ma mère ont tari, sans prévenir, puis j'ai cessé d'attendre les lettres au quotidien, j'ai attendu dans l'absolu, c'est idiot, j'attendais une promesse. C'est terrible déjà une promesse qui ne s'accomplit jamais, mais attendre une promesse, elle-même incertaine, non je n'avais pas de garde-fou à cet âge-là, on en oublie la personne désirée).

Il y a de l'à l'envers qui tournoie lentement comme une brindille sur l'eau et qui se remet à sa place, à l'endroit (bien sûr, tout ceci est subjectif, pourtant, vous avez une tête et des pieds et vous marchez dans ce sens, je ne vois là aucune subjectivité).

Il y a l'espace entre les corps, qui impose l'imagination, qui donne à tendre l'oreille quand les yeux ne voient plus, vers les mots dont on se souvient, qui laisse mesurer l'oubli, ce mal nécessaire (je dis mal, mais c'est le mal nécessaire à l'amour, l'oubli ailleurs pourrait être un soulagement, ou un bien précieux qu'on porte paisiblement)

Il y a l'écart des corps qui renouvelle le désir, ou le suspend (je l'ai suspendu, ce n'est pas une décision, c'est ainsi).

Il y a la crainte de perdre, et surtout d'être perdu dans le temps, la peur du désarmour ou de l'évidence que le destin nous a mal guidés. Peut-être. On regardera la réalité en face, s'il le faut. Passons sur la funeste pensée.

Voilà donc que vous êtes parti, et vous m'avez écrit déjà, vous m'avez écrit, je connais les mots par coeur, oui, que vous m'emportiez en vous, en cellules de votre peau. Pour ces mots, rien que pour ces mots, et non sous le soleil aveuglant de ce premier jour d'été, je fonds, entière, masse d'eau imperturbable, et je me fonds en vous, et c'est presque le soleil de là-bas exotique qui me brûle avec vous.

Comment, mais comment êtes-vous devenu cet homme du moment que j'ai rencontré un soir dans son bureau, en cet homme de tous les instants, de toutes mes inspirations et de mes expirations, comment... mais je cesse de poser la question, ce serait folie de comprendre la déraison. De comprendre comment pourquoi nous nous aimons, les fils qui nous ont poussé à croiser des chemins incertains.

Je reste ici, les traces de vous se gardent jalousement jusque sur le drap mauve.

Vôtre -

PS : la correspondance de Tsvetaeva et de son amant le plus profond, Konstantin Rodzevitch, s'intitule "lettres de la montagne" et "lettres de la fin". Elle commença une de ses lettres ainsi : " Mon tout-proche, mon bien-aimé, mon charmant et – plus important, plus tendre – que tout : - mon. "

Les mots de l'amour, sa grammaire - tellement de similitudes...je vous - (sourire)

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Commentaires
P
sourire - oui bien sûr, c'était une réflexion au-delà, c'était un arrêt sur image...<br /> <br /> oui, nous nous sommes souvent dit (prouvé ?) que c'était une histoire de peau, et dieu sait quelle étendue une peau peut avoir. <br /> <br /> Sans se prendre la tête, sourire, mais je l'ai perdue - là dans les plis de sa peau, quelque part, il l'a toujours sur lui. Bonne nuit, Cali !
C
Pourquoi toujours vouloir tout référencer ? Deux corps s'affrontent et se mangent, tous sens dehors. La danse est éternelle car des traces indélébiles, et pourtant invisibles à l'oeil nu, se pyrogravent sur la peau. Elle a une si grande mémoire...<br /> <br /> Un jour, un beau jour, deux chemins se rejoignent. Vivre intensément ces moments fragiles et forts sans se prendre la tête... Parce que...
U
Entre nous, la république, je la trompe parfois, elle aime trop les ors, la république, elle est trop sociable, trop convenue, trop bal des débutantes, sauf qu'elle a plus l'âge. Elle se promène à mon bras, mais c'est pas moi qu'elle regarde. Je suis sa prothèse amère. Et c'est toujours mauvais d'être le silicone de quelqu'un. Elle bombe le torse sous mes décorations. Je suis son légionnaire donneur. <br /> J'ai une maîtresse aussi, mais elle me fait peur et je la sors pour ainsi dire jamais. Elle déchire sa race (cette expression est fantastique quand on y songe), je délite ma rage. Elle habite une yourte, dans ma mongolie intérieure. Avant de la connaître, je ne savais pas que le soir était une couleur. C'est une joueuse qui tapine vert dans un four haut de soi. Je me sens moins manchot quand je la bandrille. Quand la petite aiguille dit qu'il n'y a plus des sens, elle me dit, encore, elle me sort de ma réserve. 97 n'est divisible que par un et par lui-même.
P
j'ai pensé en te lisant, que te n'osais pas révéler qu'en fait à distance vous dansiez le rock&roll tous les deux, la République et toi -demi-tours en sifflotant l'air et cuir noir sur ses cils...sept kilomètres ? Homme pressé, c'est du pur jus - d'amende.
U
Moi, elle m'a écrit aussi. Elle peut pas se passer de moi. Elle fait la fière sur les bords d'autoroute, dans son habit gris et sa rectitude flashy. Elle a besoin de mon argent, faut dire. Elle se fait appeller "Amendes et Condamnations Pécunières", je ne suis pas dupe, elle me dit que je lui suis redevable. Je n'aime pas être redevable. Redevable d'une amende forfaitaire majorée. Elle dit qu'elle aime mes excès de vitesse. Je suis un rapide sentimentalement faut dire, je tombe amoureux de la fille qui parle dans mon TomTom au premier rond-point "faîtes demi-tour", je craque quand on me dit de faire demi-tour.<br /> Elle m'écrit des mots tendres, elle me dit que je suis l'homme d'un trop bref moment (à 97 kilomètres à l'heure au lieu de 90). Elle a peur que je l'oublie, alors elle menace. Je lui dis de ne pas douter, l'argent je l'ai, mais j'aime me faire désirer, j'aime ses lettres. Et sa photo, elle met toujours sa photo, ma petite république française à moi, so sexy, son meilleur profil.
ClairObscure
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