Lettre V

Mon cher vous,

alors vous m'avez réécrit aujourd'hui, peut-être parce que je ne vous avais pas répondu hier par sms. J'ai fini par vous avouer que je vous écrivais des lettres chaque jour ici, n'est-ce pas étrange, de vous avouer que je vous écris des lettres publiques, mais secrètes parce que vous ne les lisez pas encore. Vous n'aviez qu'à rejoindre un pays où vous auriez pu vous connecter !

Cette lettre sera courte, juste des pensées concentrées en quelques mots. Je vis mes premières heures de vacances. Je me sens épuisée. Mon patron m'a gentillement renvoyé un mail pour me souhaiter de bonnes vacances : "revenez en forme, la rentrée vous attend pour le lancement de la nouvelle équipe". Voilà c'est officiel je serai en charge aussi de lancer l'équipe du week-end, j'en suis ravie, j'ai su lancer la première alors on me confie la seconde, la totalité du lancement du projet.

Mais les vacances sont les bienvenues. Solines est à Rome, je l'envie, j'y passerai un week-end dès que je le pourrai sans doute avant de décembre si tout s'arrange. Oo s'est envolée hier vers Budapest. Puis Solines passera à Paris, et je prépare sa venue avec plaisir.

J'ai envie d'une chose pour l'instant : courir demain à la bibliothèque lire sur la vie de Tsvetaeva, j'ai été bouleversée par sa biographie racontée sur France Culture la semaine dernière. J'y pense toutes les nuits avant de sombrer dans le sommeil. Comme je pense aux mots de Presque, que je vais lire en catimini, comme on ouvre un livre de la survivance. Les destins m'intriguent, me questionnent, me bouleversent, viennent me tarauder. Ils sont faits de tant de contradictions. Tsvetaeva, tragique - et sa vision de la vie...oui je sens que la lecture, la plongée là dans cette vie-là, dans l'histoire qui l'a poursuivie, cette histoire meurtrière, la soviétique, oui tout cela va me pousser à réapprendre le russe, voilà des mois que j'y pense.

J'ai reçu trois mails hier, très beaux mails, de trois femmes qui m'ont parlé de ce que ces lettres ravivaient chez elles, elles qui flirtent avec l'infidèle (-ité). Je ne sais pas si elles se connaissent, je ne suis pas sûre qu'elles se soient donné le mot, mais j'ai été touchée, étonnée surtout de la coïncidence de ce triple envoi un même après-midi. Vous n'aurez pas à les lire, ce sont des lettres de femmes. Mais sachez-le, que notre amour se réfléchit, que d'autres histoires viennent trouver la place dans nos mots, et que la nôtre trouve sa place dans celles d'autres.

Viendrez-vous me hanter ce soir dans mon sommeil, j'aimerais. L'absence de vous se fait sentir, peu à peu, je n'ai pas compté, mais je suis sûre que nous n'avons pourtant pas encore dépassé les dix jours maximums pendant lesquels nous avons déjà su tenir la séparation...venez me hanter, si, c'est moi qui vous le demande !

L'été ne brille pas, il fait un temps automnal, les légumes ne servent qu'à la soupe, et la soupe ne sert plus à rentrer dans les maillots de bain sur la plage, mais à nous réchauffer...

Je vous - et autres plaisirs minuscules de la bouche à vos yeux.

Je crois que je n'arrive déjà plus à réentendre votre voix dans ma tête...

je vous -

vôtre !

Comments

[secondflore]

"Vivre dans le feu" - un recueil de lettres de Tsvetaeva. C'est le conseil que m'avait donné une bienfaitrice dans l'un des tous premiers mails que j'aie reçus après avoir ouvert un blog.
Je l'ai cherché tout à l'heure, ce livre, je ne l'ai pas trouvé. Sans doute trop brûlant pour le garder dans ma bibliothèque. A qui ai-je bien pu le donner? je ne sais plus. C'est dommage. Là, maintenant, il aurait trouvé une destinataire parfaite ;)