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ClairObscure
19 août 2007

Lettre X

Mon vous d'amour,

Ce matin j'ai pensé à la double face de la consommation sexuelle - vous savez, hier je me promenais avec Solines, et après quelques kilomètres de marche, nous ne disions plus rien, nous nous laissions emporter par nos pieds sous le ciel cotonneux gris, on marchait, et chacune était plongée dans ses propres pensées - moi j'avais envie de baiser.

Nous passions devant des terrasses de café, et je me souvenais de l'époque où j'offrais mon corps au premier venu qui me plaisait parce que j'avais besoin de défouler mes énergies sexuelles. Il suffisait que je demande qu'on m'offre le café, pour qu'on me l'offre et que s'ensuive un peu plus tard l'acte de consommation. Vous savez déjà combien j'ai consommé. Combien de spermes aux odeurs différentes j'ai avalé, combien de mots doux éphémères j'ai aspiré dans les oreilles, vous le savez. Je consommais - mais.

Je consommais, facilement. Sites de rencontres, je choisissais à la photo, j'avais un corps avec les atouts pour, seins saillants, hanches rondes, des yeux doux, une histoire familiale à attendrir plus d'un, j'avais tout pour consommer facilement. Je marchais dans la rue, on m'invitait parfois à prendre le numéro de téléphone. J'entrais dans un restaurant seule, on m'offrait les repas. Vous le savez tout cela. La pitié et la féminité font bon ménage, très jeune on l'apprend quand il faut compenser le manque d'amour, pitié et féminité font bon ménage le temps d'une jouissance. Et chaque coup de reins me donnait un peu plus d'âge.

J'avais même assez de mauvais amour de moi-même pour le salir à toutes les bassesses des hommes - et là deuxième face de la consommation sexuelle - là la bascule féminine. Quand les produits au choix on consomme sans plus savoir pourquoi on consomme. On se jète dans le magasin, par boulimie. Pour passer le temps surtout. Non pas vraiment par solitude. Mais parce que le temps ne passe pas seul.

J'avais assez de haine de moi-même, de confiance fissurée, de laideur intérieure pour ne plus savoir quand je prenais et quand j'offrais. Pour ne plus savoir qui des hommes ou de moi se prostituait à l'éphémère, un peu de sperme contre nuit au chaud, un peu de cul contre une tasse de café le matin à partager entre quatre yeux. Qui sait dans les relations homme femme qui offre, qui demande ? Personne. La main invisible peut-être. A un moment donné, très donné, on ne peut plus le savoir. On se réveille un matin le corps explosé - on se réveille on se sait pas très bien - et je me suis réveillée pendant quelques mois avec cette angoisse du viol, cette angoisse que l'on s'introduise en moi, je n'en pouvais plus, comme si j'avais trop mangé, et mangé et encore mangé, et que je ne pouvais plus rien introduire. (et qui d'autre était responsable que moi ? moi en prise avec mon passé qui n'en finissait pas de survivre dans le présent, je ressemblait à St Georges contre le dragon - il l'a terrassé, n'est-ce pas, si racontez-moi cette histoire une nuit!). Et je rêvais de mains énormes qui s'introduisaient par les fenêtres de l'appartement. Et je rêvais que me poussait quelque chose dans le ventre que je ne souhaitais pas.

J'avais assez de mauvais amour, d'amour mal placé pour moi-même (car de l'amour j'en avais, mais de quelle sorte, mon dieu de quelle sorte), pour demander qu'on m'offre et par finir de me donner gratuitement. Je payais pour qu'on me rafle, pour qu'on me pille. Je payais pour que je puisse m'oublier. Je payais pour qu'on me monte le plus haut possible puis qu'on me lâche du plus haut point, et je me ramassais - seule.

Jamais je n'ai pleuré. C'est aujourd'hui que je pleure, dans vos bras, quand vous m'aimez. Parce que c'est tout le chemin qui m'a menée à la fidélité. Au partage. Vous, faites ce que vous pouvez. Moi dans vos bras je me repose pour l'instant. Vous, allez vous épuiser dans les cuisses bien accueillantes si vous le souhaitez. Moi je trouve en vous le havre de paix qu'il me fallait pour ne plus mourir sans cesse. C'est plus qu'inespéré. Je ne l'oublie décidément pas.

Je vous - de mille couleurs que l'été automnal nous ne donne pas ici

des pieds au front

vôtre - encore le temps d'un long repos amoureux

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Commentaires
L
Vagant : je te dois une réponse par mail un de ces jours, bientôt. Merci de ton appréciation, qui venant d'un écrivant comme toi me touche beaucoup...
L
WhoKnowsIfYou'reWrong : tous les chemins mènent à Rome, dit-on...<br /> <br /> Uchronie (sourire, c'est un des mots que je préfère, uchronie) : comme un air de déjà vu, si ?<br /> Merci de passer par là, avec une trace.<br /> <br /> CommeUneImage : oui, bien sûr, il y a un chemin, on avance - "j'ai fait le plein des sens", je la garde cette précieuse expression ! merci...
U
Est-il nécessaire, pour bien se croiser, de savoir d'où l'on vient ? J'aime l'inflexion de ta note.
V
Vraiment.<br /> Quant au fond, il est insondable et ne se discute pas.
C
Oh, je ne veux pas jouer les oiseaux de mauvais augure (et d'ailleurs, pourquoi "mauvais" ?), mais il me semble que cette capacité d'être absorbé(e), empli(e) par le désir d'un unique, elle s'ancre dans une temporalité. Un début. Une fin. Et je ne présume pas du quand, moins encore du comment, simplement les évidences changent avec nous-mêmes. Et demain, quand tu seras autre, tes désirs évolueront avec toi. Pas forcément un retour en arrière, à la case départ sûrement pas, je ne crois pas aux "cycles" qui diraient qu'on tourne en rond, non, on avance, on avance, c'est une évidence. Et puis toi, tu as fait le plein des sens alors tu vas aller loin.
ClairObscure
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