Carte d'une journée tardive
Mon cher vous, qui m'avez écrit - si
n'éventrez pas la journée d'aujourd'hui, pas la mienne sinon - j'ai oublié la présence des heures, je me suis perdue quelque part - platement, rien
et vous m'avez écrit aujourd'hui que vous avez oublié la chair, et qu'il vous faudrait rafraîchir les idées - ici, je vous ai répondu, je vous ai répondu : ici, la chair est fraîche, elle vous attend, mademoiselle (que je vous ai clamé!) mademoiselle vous veut, trois semaines c'est trop (- pauvre demoiselle gâtée, je n'assume pas vraiment)
est-ce pathétique de vous attendre comme ça, comme suspendue à la pendule, non non je suis la pendule et je suis suspendue à la mécanique qui tourne laborieusement
non ne disséquez pas la journée, qui s'en est allée de lectures en rêveries en masturbations - même intellectuelles et affectives, en repas aussi, et un anniversaire imprévu (savez-vous que Laure est déjà loin ? Elle se promène à Hong Kong), mais la pluie qui n'a cessé une seconde depuis trois jours, ça me rendrait folle, vous savez (ma soeur a rompu la monotonie, elle est passée)
le soleil, c'est comme les filles, il vous préfère à moi, moi je suis rejetée, et c'est parce que vous revenez qu'il brillera les jours prochains.
Je m'en fous, je veux votre queue, votre queue, pas le soleil, et votre voix, et vos mains, et je veux tout faire comme à chaque fois pour vous entendre éclater de rire, vous n'éclatez jamais de rire - parfois, quand je récite des vers de Racine votre queue dans ma bouche, parfois aussi quand je fais l'enfant japonais le guerrier
(la pluie donne froid à Julip, pas seulement, non je ne saute pas du coq à l'âne, vous comprendrez quand je vous ferai lire son texte)
Dans mon lit je me suis réfugiée un peu, puis beaucoup (mais il y a des gens dans cette maison, beaucoup, qui viennent et vont, et je dis bonjour aussi, la tête hors du drap, parfois dessous comme un fantôme), et j'ai tourné dans mon lit souvent en rêvassant à rien (la nuit je n'arrête plus de rêver, des histoires longues, et plus de cauchemars comme avant) -
Enfin j'ai fini par me dire, tu t'abrutis ma pauvre fille, alors fais quelque chose, et de bien - mais rien
Je vous assure, les draps s'en souviennent, enfin c'est ce qu'on dit -
bon et puis j'ai compté les jours un peu
alors écoutez-moi bien, ne disséquez pas cette journée, pas celle-ci
voilà je vous embrasse les bourses et vous les réchauffe un peu d'un peu de buée
vôtre -