Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
ClairObscure
25 septembre 2007

Je vous -

Je ne sais plus écrire sur nous - est-ce parce que nous plongeons dans une intimité chaque fois plus élastique, qu'entièrement offerte, je dirais davantage si je précisais "dangereusement offerte", quand nous nous quittons c'est une dizaine de couches de peau que j'ai enlevées jusqu'à la chair, et jusqu'au tréfonds de ma personnalité, et j'essaie de contenir toute la douleur et toute la haine que je pourrais lui déverser à lui mon homme de m'approcher de si près, de me serrer si fort, de posséder une part immense d'un butin spirituel que je ne sais lui cacher désormais - d'être après ma mère adoptive sans doute celui qui me connaîtra le mieux. Je ne ressens pas la nécessité de partir, devrais-je ajouter "encore", je ne pense pas, je ne sais plus, j'ai peur de me livrer, d'être une fragilité transparente comme un cristal à facettes usées. Où est passée l'enfant sauvage, le chaton aux griffes comme on m'appelait autrefois, cet être qui clamait que le pire serait qu'on découvre d'elle plus qu'elle n'en saurait jamais sur elle-même.

Je ne saurai plus faire l'amour à personne d'autre, je m'entends me le dire quelquefois dans le tourbillon de mes pensées, quand mes cuisses écartent mon âme sous la pression de la chair dure, quand mes oreilles se tendent vers la voix qui vibre sur les organes internés dans mon corps en déséquilibre d'amour, il me dit je t'aime, il me l'a dit plein de fois ce lundi-ci, et je lui ai chuchoté, chuchoté chuuut, mais vous n'allez pas m'interdire ça, c'est lui qui a rétorqué : vous n'allez pas m'interdire ça - non bien sûr je ne peux rien lui interdire sous la menace de ses caresses fatales, de ses yeux inquisiteurs, je vous aime, il répète tandis que je me demande soudain si je lui interdis autre chose, que mon esprit rompu à la grammaire scolaire s'interroge sur ce ça, ce ça et en dehors de ce ça, est-ce que mon être lui a parlé sans ma conscience, est-ce que mon être a su lui transmettre d'autres messages, que sait-il de ce langage silencieux, de notre silence langagier, qui le sait ? Je ne suis qu'une fleur aquatique, que les flux et les pressions éclatent, il va et vient, je jouis, les mains pour taire les pensées malsaines, les mains pour accélérer ma perte, je voudrais rouler ma tête sur le sol, qu'elle roule, puis il jouit comme un homme au volant, dans l'accélération, il jouit et j'en veux encore, encore, encore, mille fois encore - et son corps titille ma peau de ses tremblements frénétiques, mon homme a joui, c'est une petite fin du monde.

Je ne sais plus écrire sur nous - je ne sais plus, je ne connais plus, je n'ai plus les mots d'une relation qui a dépassé les frontières de mes amours antécédentes - je suis hors-frontière, dans l'inconnu - hors des règles que je souhaitais m'imposer, hors de moi peut-être - et quand il dit je vous aime je ne sais pas à qui de moi au pluriel, à quel être s'abandonne-t-il, à quel être ment-il au futur, qui suis-je quand je m'oublie dans ses bras, je me pince les lèvres, ne pleure pas, l'immense me fait tourner la tête, montagne russe quand on pose la question, si je tombe, je meurs ? si le boulon lâche, adieu la vie ? alors je le serre dans les bras comme on serre un enfant fort, la tendresse d'un baiser sur la joue, je vous aime moi aussi, qui que je sois, telle que je me découvre en vous, je vous aime aussi, vous l'homme plus femme que moi puisque vous m'enfantez, je suis votre enfant, votre femme qui n'est pas votre femme, votre amante, votre désir, une partie de votre tout, celle qui vous rend heureuse sans doute. Non je ne sais plus écrire, quand les mots désintègrent, catégorisent, nomment - je ne sais plus, non vraiment, démêlez mon amour, démêlez nos chairs, démêlez nos regards, nos sexes, les franges de nos vies en partage, nos devenirs. Je veux bien avouer que le langage n'a pas échoué, que j'échoue dans l'entreprise de transcrire, de trouver les mots, à peine ai-je le rythme de nous - peut-être existe-t-il une langue qui nous correspond, qui saurait nous chanter, qui saurait louer notre amour, peut-être.

Je ne sais plus écrire sur nous, pourtant autrefois je vous écrivais parmi les plus beaux textes d'amour, et des femmes et des hommes qui me lisaient vous, nous, m'enviaient cet amour au-delà, cet amour éclatant, cet amour en guerre, des femmes et des hommes n'ont pas voulu croire, non pu croire à la puissance extraordinaire de nous érotiques, ils ont préféré n'y voir que des mots, de pauvres mots qui feignaient la magnificence, de pauvres mots sur lesquels ils préféraient médire. Qu'importe ce furent les plus beaux mots, et ils vous ont été offerts, et vous les avez lus, admirés, ingurgités, retenus.

Se peut-il que des siècles de littérature puissent tenir en ces quelques mots si pauvres en apparence, si riches en densité : je vous aime - suffirait-il juste que ce soit ces mots-là ?

Publicité
Publicité
Commentaires
P
Je ne saurai plus faire l'amour à personne d'autre<br /> <br /> Combien le disent, combien s'y tiennent vraiment, et durablement...
W
c'est bête à dire, mais souvent les choses les plus simples sont les plus belles. Magnifique texte, merci.
L
merci Yona, vous avez peut-être deviné - parce que vous écrivez aussi (au sens plein)- j'apprécie énormément votre pensée sur mon écriture...<br /> <br /> Lune, les mots manquent un peu comme les cycles de la lune, entre le vide et le plein, rond et rond gros patapon...<br /> <br /> l'Effeuillée, comme en ce moment je vous sens plus proche, moins en vadrouille ! Votre commentaire m'a fait penser à quelques mots du peintre Olivier Debré qui disait que l'art était la traduction des émotions, or l'émotion n'est pas quelque chose de volontaire, et qu'il faut donc se laisser dominer par l'émotion, et c'est ainsi que l'on est conduit à subit la sensation d'un objet, d'un paysage, d'un être. Il disait ensuite que l'on doit subir une sensation tirée du monde extérieur. Et il disait encore après (bien que déjà cela concerne moins ton commentaire)que l'intérêt de la peinture ou de la poésie par exemple est la modification du langage, l'intérêt est la découverte d'un nouveau langage, donc d'une nouvelle formulation de pensée, et donc d'une nouvelle pensée. J'espère que cela vient compléter et répondre indirectement à ton commentaire, car ces mots d'Olivier Debré m'ont profondément marquée, et je crois que j'y adhére par la force des choses. <br /> <br /> Anaïs, merci de votre trace bien plus qu'infime je vous assure, je suis très touchée que vous veniez me lire, et honorée du coup de coeur. <br /> <br /> Ska, c'est moins de l'amour qui m'a manqué dans l'enfance que le manque de son expression juste. On n'a pas su me dire comment on m'aimait, et j'ai refusé d'être aimée comme on m'aimait, tout comme on a refusé mon amour aussi inadapté semble-t-il. <br /> C'est drôle, que vous vous arrêtiez sur l'idée que cet homme m'enfante. Il s'agissait d'une courte référence à un autre texte sur mon autre blog qui expliquait plus longuement comment il m'enfantait sans le vouloir vraiment, et comment après tout la situation lui a fait un "enfant dans le dos". C'est l'image qui m'amuse beaucoup, et bien sûr c'est la peau d'une adulte qui me pousse de cette relation, c'est le deuil terminé que l'enfance n'est pas un âge mais une vision du monde, et que pour cette raison, je n'ai pas loupé mon enfance, c'est tout simplement un regard qui m'est impossible. Voilà il a fallu que j'accepte ce que j'étais et j'avais toujours été, et définir sans cesse mon devenir, au lieu de le fuir. C'est tout cela...Merci de votre lecture. <br /> <br /> Julip, l'ange gardien de mes écrits...ça alors, sais-tu que ma soeur a modifié son texte où se trouve notre photo et que j'avais donc ni vu la fin du texte, ni vu la photo qu'elle a publié bien plus tard...merci de cette redécouverte ! Je t'embrasse
J
c'est écrit et c'est beau et émouvant
S
Si, les mots vous les avez, cet amour vous révèle, vous "enfante "dites vous, mais ne soyez pas l'enfant de votre amant, ce sera trop lourd à porter pour un homme, ne soyez pas uniquement révélée par l'amour qui vous a probablement tant manqué dans votre enfance (parenthèse :))) Merci)
ClairObscure
Publicité
Archives
Publicité