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ClairObscure
29 septembre 2007

le temps, la destinée et leur défragmentation par l'amour

Les journées passent dans une tranquillité à laquelle je ne suis pas habituée encore, l'automne ne me remplit plus d'effroi comme autrefois, l'hiver devient une saison relative, il se dépouille de toutes les angoisses sournoises qui me complaisaient dans la dépression engluante, elles-mêmes rendues à l'état de peurs palpables, raisonnables - vulnérables et moins aveugles. Le temps n'est certes plus éternel, il a des délais, des répercussions dans l'immédiat ou en longueur, des fins possibles, d'autres renouveaux ou recommencements, d'autres départs, et l'amoindrissement peu à peu pourtant de la possibilité de certaines états ou de certains mouvements, j'en ai conscience et non plus seulement l'idée, j'en ai la sensation.

Le pessimisme ne m'atteint pas toutefois. Je remarque comme naturellement (à tort ou à raison) mon corps et mon esprit se préparent à l'évidence qu'ils n'ont qu'une vie, et que jusqu'au bout tandis que des champs d'action se fermeront d'autres naîtront d'une nature différente. Je ressens comme ils se préparent à épouser la fatalité des années imparties, avec la conscience qu'une vie entière ne leur sera peut-être pas accordée non plus, que du jour au lendemain une fin peut survenir et leur interdire la vieillesse. Pour autant je ne suis pas encore prête pour la mort, je me le suis annoncé hier, de manière bien sonore dans ma tête, sans effet de triomphe mais dans le simple constat que je me sens en adéquation avec la vie, que j'ai trouvé un rythme à peu près égal au sien, que je prends goût depuis quelques mois seulement à la mobilité, à la vivacité, à l'avancement.

Il n'y a pourtant qu'une chose qui me tient éveillée, c'est bien la curiosité de savoir ce qu'est une vie humaine, et de l'intérieur. J'observe bien la vie telle que les autres êtres humains me la racontent, me la montrent, ou telles que je l'observe chez eux, mais ce sont des images reflétant également toutes mes conjectures, toutes les idées culturelles qui se transmettent de génération en génération, toutes les suppositions et de toute mon intuition que seule l'expérience peut vérifier. J'en ai pris conscience cet été lorsque mon amour parti en Asie, je l'attendais ici en France pendant deux semaines qui correspondaient également à des congés que j'avais posés au travail. Il devait revenir le jour avant la reprise du travail. Souhaiter que le jour de son retour fût le lendemain déjà venait contredire mon désir de ne pas reprendre le travail le jour suivant son arrivée. Venaient ainsi lutter mon désir de le revoir et mon appréhension de la rentrée. J'étais persuadée que son retour après un si long départ qui nous séparait pour la première fois serait révélateur de la poursuite de notre passion ou de son arrêt progressif. J'en avais peur certes, mais c'est la curiosité teintée de crainte oui, qui dominait tous mes autres sentiments, jusque mon impatience d'y être déjà, l'impatience de savoir ce qui adviendrait de nous, et dans l'ombre de ce destin ce qu'il adviendrait de ma destinée.

On va croire que mon amour justifie tout, justifie tous mes états d'âme, toute ma vie présente. Je ne le pense pas. Mais cet amour, de la manière dont je le vis - de façon entière, omniprésente, à la manière d'un éclairage progressif qui se porte sur  l'obscurité dans laquelle longtemps je me drapais paresseusement, révèle ou accélère la révélation de beaucoup de vies minuscules, de phénomènes, de pensées qui n'avaient pas encore trouvé leur point de chute, d'idées qui attendaient comme une maturation. Parce que cet amour arrivé à un moment de ma vie où j'étais prête in extremis pour l'avancée, à la limite de me perdre dans la régression morbide si rien n'intervenait à mon secours, me frappant de plein fouet a engendré des chocs dans ma conscience, qui par répercussion ont fait trembler tous les membres de mon corps et éclaté l'image morbide dans laquelle je me représentais. Parce que l'amour aussi soudain que violent pour lui, l'amour de nous, a été un amour ouvert à une certaine forme d'universalité (comme quand nous faisons l'amour, nous vient immanquablement cette impression singulière d'universalité, jamais éprouvée auparavant, de ne pas atteindre que nos corps - mais la conscience diffuse de toucher, de traverser aussi des éléments de vie au-delà de nous), et n'a pas manqué ainsi de m'ouvrir à un peu plus d'indulgence pour mon corps et pour mon être. Voyez, cet amour ne justifie pas tout. Il m'accompagne en tout, il me tire vers le devant, la progression. Il est une forme de vie sublimée, et d'une certaine manière cet amour ne pouvait que s'inscrire dans une lignée littéraire.

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Commentaires
C
'Chaque soir, quand je m'endors, je meurs.<br /> Et le lendemain matin, au réveil, <br /> je reviens à la Vie.' [Gandhi]
B
Avec la marseillaise on se disait que tu es une blogueuse vraiment à part. L'un des rares blogs sur lequel peu de personnes n'osent commenter, tant ton esprit est haut perché, tant tes mots sont cultivés.<br /> <br /> Avec toi le mot blog devient presque... oh pis merde faut que j'en fasse une note.<br /> <br /> Heu... j'reviens hein, tu bouges pas.
ClairObscure
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