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ClairObscure
9 octobre 2007

A force de rêver je perdrai

Parfois je comprends que tout a une fin en soi, et que tout n'a pas besoin de nous pour y arriver. Il est des choses que je voudrais avec la meilleure volonté maintenir en état, en suspension, dans la sérénité d'instants, parce qu'en me tournant vers le passé je vois bien que cela tient du miracle dans le sens d'inespéré, mais j'ai une volonté supérieure à ma conscience, un broyeur inquiet qui prend de l'avance sur ce que j'accepte, et tire la ficelle en espérant toujours plus. Parfois il me semble alors que tout doit finir parce que je suis acculée à ne plus en avoir davantage, que le frottement du broyeur inquiet qui tourne à grande vitesse au temps miraculeux et lent me fait grincer les dents et le coeur. Je suis impatiente.

Mes dernières nuits ont été inquiètes, ma respiration profonde et ralentie en désaccord complet avec mon coeur qui battait à tout rompre, je crois que ces dernières nuits je n'ai pas atteint toutes les phases de mon sommeil, et que je me suis tenue en alerte sans cesse. Une fois j'ai écrit sur ma soeur et notre enfance parce que je n'arrivais plus à dormir, il était cinq heures du matin, c'était dimanche. J'ai dû  me lever à cause de ces battements accélérés que je ne contrôlais plus. Pourtant une fois j'ai rêvé, et une autre fois Solines s'est souvenu de m'avoir parlé dans la nuit par surprise tandis que j'avais les yeux bien ouverts et je ne m'en souvenais pas.

J'ai rêvé que je me croyais enceinte, parce que mon ventre gonflait. Mes parents adoptifs sans penser à vérifier décident de m'emmener à l'hôpital où m'attendent aussi deux collègues à moi. Je leur dis que je viendrai mais que je dois régler deux trois affaires personnelles. Ils m'attendent à l'hôpital avec beaucoup de mauvaise humeur, de celle qu'on a quand on doit faire quelque chose qu'on n'a pas le temps de faire. Je suis dans une pièce où je m'affaire, et je tarde à les rejoindre. Je sors de la pièce et je me retrouve sur une route départementale, je la reconnais aux traces sur le sol. Je doute soudain d'être enceinte, j'ai le ventre aussi agrandi qu'avant mais je me demande si c'est justifié d'annoncer que je suis enceinte, ce peut être un simple gonflement d'estomac. Je suis sur la route afin de les rejoindre, pourtant je marche sur une route départementale en pleine campagne avec une impression de marcher sans fin. Je me demande sans inquiétude de ce qu'en pensera mon homme. Je me réveille.

En pleine nuit Solines a tendu la main vers mon côté, elle s'attendait dans un demi-sommeil à la poser sur son matelas, et eu la surprise de toucher un corps. Dans son demi-sommeil elle avait oublié que je dormais à ses côtés. Etonnée, pas clairement éveillée, elle m'a touchée à tâtons le bras ou l'épaule, elle ne s'en souvient plus. Elle m'a raconté ce matin que j'ai levé les yeux vers elle, et qu'elle s'est excusée alors, échangeant quelques paroles très brèves avec moi. Je ne me souviens de rien. Vers cinq heures et demi à nouveau, je refusais de me lever, je me suis forcée à dormir tant bien que mal jusqu'à ce que la sonnerie du réveil retentisse.

Dès que je sens que mon lieu d'habitation ne sera pas stable, j'entre dans de grandes inquiétudes corporelles. J'ai décidé depuis peu de temps que je devrai déménager bientôt, pour une question de principes essentiellement. Je n'ai pas peur, mais mon corps le ressent autrement. Je me demande si je décide bien. Quand je me demande ce que je veux, je le ressens mais je ne sais pas le traduire en mots, mon drame est là, le noeud, c'est que je sais ce que je veux mais si je ne le nie plus, je ne l'assume pas encore et cela m'épuise.

Je m'épuise à attendre que mes désirs s'exaucent. Je m'épuise à attendre de baiser, je m'épuise quand je pense à ce déjeuner un après-midi ensoleillé dans ce bistrot où à la table d'en face un couple singulier attendait la commande penchés côte à côte sur le même journal en face d'eux et commentait au fur et à mesure leur lecture dans une complicité ordinaire qui m'a fait couler une larme aux toilettes, je m'épuise à ne vivre que des moments exceptionnels, je m'épuise de ne pas savoir comment mettre fin à mes jours. Je m'épuise de toutes les contradictions dont je me suis faite. Je m'épuise de tous les obstacles qui surviennent aux obstacles que je m'impose toute seule. Ma solitude m'épuise, la solitude définie par mon insatisfaction sans cesse renouvelée.

Au départ je ne voulais que lumière du jour et baies vitrées, grand appartement et plantes, de lectures et de temps aérien, de visites et de repas d'amis, de cuisine et de tranquillité, de sexualité à volonté, et d'écritures, de lettres et de nouvelles, une vie de rien mais d'apaisement - loin bien loin d'une vie de contraintes. Mais à la fin ? et puis il est où ce départ ? elle est où cette fin ?

Sans cesse quitter, sans cesse renouveler son départ, sans cesse repousser la patience du désir, retourner la poussière de la volonté, sans cesse s'épuiser en cherchant la paix.

On passe sa vie à mourir, je l'ai lu quelque part.

"A force de rêver
Pour tout abandonner
Et puisqu'on a pas d'autre choix
Pourquoi mener des combats..." Barbara

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Commentaires
L
Julip : je pense souvent si souvent à ta manière si positive de tout regarder, une sorte de candeur dans ton regard - un baume sur mes tempes, je t'assure, comme le bruit de tes pas feutrés par ici.<br /> <br /> BunnyJen : sourire, j'y avais pas pensé, des phénix, oui j'apprends que je suis un phénix, et j'apprends à m'en contenter, long chemin. Merci de l'image inattendue !<br /> <br /> Oui, Lune, combien je sais maintenant la présence de ces âmes - si proches, à commencer par la tienne, la sienne, et quelques autres encore. Sur les doigts d'une main, mais une main solide, et cela me suffit quand je peux maintenir ma névose dans sa boîte. Si je pouvais oublier un peu mes douleurs, et ainsi l'être aussi cette âme de réconfort...<br /> <br /> SecondFlore : amen, mon père!<br /> <br /> MarieM : merci de votre optimisme, au fond si j'ai été bousculée parfois, je n'ai pas encore chuté une seule fois, j'ai échoué souvent certes. Faites-vous de la gymnastique pour en parler ainsi ? les sportifs ont un contrôle extraordinaire de leur corps, de leurs émotions pendant l'effort physique, fascinant je vous l'accorde. Je devrais apprendre la patience, et l'humilité, voilà ce qui me manque. J'y parviendrai. Merci encore.
M
oui, Pourquoi vouloir qu'il y est un début et une fin , ...<br /> Le début , je vous le concède va de soi , mais la fin ne serions nous pas plus sensés de ne pas y penser tout le temps. Si l'on est dans l'expectative d'une fin , comment peut on se risquer, expérimenter les surprises de la vie. Garder une part d'invincibilité de l'enfant,qui se ramasse des gamelles , se relève et repart<br /> ( sans avoir pensé qu'il allait tomber, puis si il allait se remettre de la chutte , non , y connait pas! )<br /> la gymnaste sur sa poutre court apparemment un danger mais en réalité elle est d'une sérénité à "toute épreuve" car elle n'envisage pas la chutte, il y a des traversées et des acrobaties à réaliser, elle y met toute son énergie,son plaisir, son courage et cela fonctionne .<br /> Tu as en toi aussi cette force toute simple : habiter le présent en ne s'envisageant pas comme fragile ; il y a les défaites et il y a les victoires qui suivent , le cheminement si il a du "sens" comme dans ton cas , s'envisage en évolution .
S
Tiens, hier justement cette phrase lue dans un gros livre...<br /> "Qui n'est pas occupé à vivre est occupé à mourir" (Dylan, traduit assez librement par Y. Haenel)<br /> La paix soit avec toi ;-)
L
la gestation, la peau de serpent, les mues, les allez vous faire foutre, le temps, le plaisir, les petites morts, son amour<br /> 'Il est où ce départ? elle est où cette fin?'<br /> Et ce que tu t'interdis?.. Et ce que tu as le droit de vivre alors?.. Quand accepteras tu de le prendre, de prendre, et de ne plus t'en vouloir?...Y'a des âmes qui vous aiment, demoiselle de nuit...
L
la gestation, la peau de serpent, les mues, les allez vous faire foutre, le temps, le plaisir, les petites morts, son amour<br /> 'Il est où ce départ? elle est où cette fin?'<br /> Et ce que tu t'interdis?.. Et ce que tu as le droit de vivre alors?.. Quand accepteras tu de le prendre, de prendre, et de ne plus t'en vouloir?...Y'a des âmes qui vous aiment, demoiselle de nuit...
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